Retrouvez l’édito de Mgr James pour le mois de mars 2023.
Nous vivons le Carême 2023 en communion avec les chrétiens de tous les pays, spécialement les pays en guerre : le vendredi après les cendres, il nous a été proposé une journée de jeûne et de prière pour la paix en Ukraine. Nous le vivons en communion avec tant d’autres pays qui sont dans le chaos, Liban, Soudan du sud, Haïti, région Est du Congo, Syrie et Turquie. Nous savons aussi que, très concrètement, des personnes meurent de faim aujourd’hui ! Le partage que nous invite à vivre, par exemple, le CCFD-Terre Solidaire, est d’actualité ! Et puis, nous vivons ce Carême alors que le Parlement se saisit prochainement d’un projet de loi inquiétant sur la fin de vie. Où en est l’application de la loi précédente sur ce sujet : le développement de vrais « soins palliatifs », d’une culture palliative ? Avec tous ces évènements et beaucoup d’autres, nous entendons résonner avec plus de force encore, la Parole du Seigneur au début du Carême : « Je mets devant toi, la vie ou la mort. Choisis donc la vie pour que vous viviez, toi et ta descendance » (Dt 30, 19).
Ce Carême revêt aussi un caractère particulier en Gironde. Nous désirons donner un élan nouveau aux paroisses de notre diocèse. Un rassemblement des Équipes d’Animation Pastorale est prévu. Pour m’y préparer, j’aime me rappeler les premiers siècles de notre Église en Gironde. Pendant ce Carême, j’ai en tête « le pèlerin de Bordeaux » ou encore « l’anonyme de Bordeaux » ! L’histoire se déroule au 4ème siècle, aussitôt après l’édit de Milan ! Une personne (ou plusieurs) chrétienne de Bordeaux décide de partir en pèlerinage à Jérusalem ! Nous connaissons son itinéraire de Bordeaux à Jérusalem et retour. C’est la première trace historique de pèlerinage à Jérusalem. Dans l’immense empire romain, au milieu de populations ignorant la foi chrétienne, quelqu’un de nos « aînés dans la foi » a l’audace d’un tel geste depuis Bordeaux ! Les routes ne sont pas sûres ! Les moyens de transport sont très précaires ! Et pourtant, un geste de foi étonnant : marcher vers Jérusalem, le lieu du mystère pascal, de la mort, de la résurrection de Jésus et de l’envoi de l’Esprit-Saint, cœur de notre foi chrétienne. Je sais que des paroisses, des jeunes ou des adultes se sont rendus les semaines dernières à Jérusalem et y ont prié pour le diocèse. Ce pèlerinage n’est peut-être pas possible pour beaucoup d’entre nous mais le Carême nous le fait vivre ! Nos personnes, nos paroisses vivent ce pèlerinage intérieur vers le cœur de notre foi, le mystère de Pâques et de Pentecôte. Nos personnes et nos paroisses ! Si nous pensons un renouveau de nos paroisses, c’est pour qu’elles vivent et qu’elles conduisent au cœur de notre foi ! Cœur de notre foi dans lequel nous avons été plongés le jour de notre baptême. Comme le pèlerin anonyme de Bordeaux, retournons au cœur de notre foi ! Retournons à notre baptême, à la Source de la Vie, ôtons-en les gravats et les sables ! Que la source puisse couler, irriguer nos personnes, irriguer nos paroisses. Mettons en valeur à Pâques et après, le baptistère de nos églises !
Cette année, nous avons la grâce d’accueillir, dans la liturgie dominicale, les grands textes qui préparent les catéchumènes au baptême, le récit de la rencontre de Jésus avec la Samaritaine, avec l’aveugle de naissance, et la résurrection de Lazare. Ils nous conduisent tous au cœur de notre foi. Je voudrais attirer votre attention sur le caractère dramatique des situations devant lesquelles Jésus se trouve : une opposition violente entre juifs et samaritains, un aveugle de naissance, une personne morte. Jésus est confronté à des situations qui semblent sans espérance possible, sans avenir. C’est notre situation aujourd’hui : tant d’évènements actuels semblent figés, bloqués, sans espoir. « Le pèlerin de Bordeaux » au début du 4ème siècle part vers Jérusalem, avec les situations difficiles de son époque et renouvelle sa foi en Christ Jésus ressuscité : « De la mort a jailli la vie ». C’est le témoignage des catéchumènes aujourd’hui ! Combien, dans leurs lettres, témoignent d’épreuves, d’accumulations de problèmes, de situations familiales chaotiques ! Et, ayant entendu la Parole de Dieu, ayant été accueillis et écoutés par des chrétiens, ils sont transformés : les ténèbres s’éloignent. Ils retrouvent confiance, ils découvrent la paix intérieure, ils sont remis debout pour vivre leur vie familiale et professionnelle. Dieu nous donne ces catéchumènes pour nous encourager dans la foi, pour nous rappeler nous aussi, nos propres expériences pascales ! Nommons-les, « retournons à Jérusalem » le lieu de notre histoire où nous avons vécu l’expérience de Pâques, pour en témoigner ! Car nous allons l’entendre dans les Évangiles : après leur rencontre avec le Christ, la samaritaine devient missionnaire, l’aveugle-né guéri devient disciple et tient tête aux autorités juives, Lazare revenu à la vie, devient un signe de contradiction.
Mais je reviens à ce « pèlerin de Bordeaux ». Son itinéraire me surprend aussi ! Il ne choisit pas la route la plus courte pour aller à Jérusalem et rentrer à Bordeaux ! Il choisit la route où il va pouvoir rencontrer des communautés chrétiennes ! Il rallonge son chemin ! Car il y a quelque chose de plus important : la rencontre des frères et sœurs ! Il nous laisse un message pour nos paroisses d’aujourd’hui, leur pertinence aujourd’hui : pas de foi chrétienne sans la communauté ! Pas de foi chrétienne possible sans la rencontre des frères ! Multiplions les fraternités chrétiennes ! Une des expériences qui marquent les catéchumènes dans les paroisses ? L’accueil des paroissiens, le jour de leur entrée en catéchuménat ! La bienveillance et la disponibilité des équipes de catéchuménat ! Comme nous invitait le saint Pape Jean-Paul II, au début du nouveau millénaire, « l’enjeu est de faire de l’Église, la maison et l’école de la communion », de promouvoir aussi une spiritualité de la communion » [1] Le texte de saint Jean-Paul II est à relire, à travailler dans nos fraternités, les paroisses, les aumôneries et les mouvements. Et cette fraternité est un signe qui contribue à l’annonce de la Bonne Nouvelle. Tertullien rapporte ce que les païens disaient des chrétiens : « voyez comme ils s’aiment les uns les autres » [2]. La fraternité attire, elle appelle de nouveaux membres. Le signe par excellence laissé par le Seigneur est celui de la fraternité vécue : « À ceci tous reconnaitront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13, 35). La fraternité est missionnaire.
Chers amis, comme « le pèlerin de Bordeaux », nous marchons vers notre Jérusalem, lieu du mystère pascal vécu grâce à notre baptême, et nous rencontrons, avec joie, des frères et sœurs. Ainsi les paroisses trouvent un élan nouveau pour annoncer l’Évangile ! Bonne marche vers Pâques !
+Jean-Paul James
[1] Ibid
[2] Tertullien, Apologétique 39, 7