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Témoignages de détenus de la Maison d’Arrêt de Gradignan

Publié le 7 juin 2024

Ces témoignages ont été recueillis par un membre de l’équipe de l’aumônerie et partagés à l’occasion de la fête de la diaconie le 1er juin 2024.

Marc : « Dans le silence de la nuit, un homme ne peut se mentir. Dans le silence d’une prison, non plus. Les murs épais emprisonnent mon chagrin, mes regrets, ma solitude. Ils sont si hermétiques que la souffrance de mon voisin n’arrive pas à moi, ni celle du surveillant, du visiteur. Mon cerveau envoie mes pensées s’atomiser sur les murs et je reprends en pleine gueule tout ce que j’envoie et tout ce que mon passé me rapporte. J’ai la chance d’avoir ici une petite statuette de la vierge et un chapelet en buis donné par un prisonnier. Ils ne me quittent jamais, même et surtout pour aller au tribunal où il passe de point d’accroche de ma prière au rôle de porte bonheur. Dieu dans ma prison me restitue des moments de communion avec des gens que je n’aurais jamais côtoyé dehors : slaves, gitans, maghrébins, m’ont plus donné que beaucoup de gens baptisés comme quoi, la bonté, même inconnue du donneur prouve que l’amitié, le partage sont universels. Je crois que l’universalisme de Dieu n’y est pas pour rien.

Madeleine : « J’étais comme vous, insérée dans la société. Mon entourage me disait « comment tu fais pour gérer seule ton travail d’infirmière libérale, deux enfants en bas âge, la maison, l’intendance ? J’ai tenu 8 ans ½. Combien de temps on tient sans liens sociaux, sans loisir, sans vie de femme. Je me suis épuisée. Sournoise fatigue. Ça fait 14 mois que j’allaite la dernière…et le burn-out s’installe sans s’en rendre compte. Plus de saveur, plus de repas, je ne comprends plus mes enfants. Je suis en mode automatique. Obsédé par des scénarios de suicide jour et nuit. Début 2019, je dégoupille, j’embarque dans mon suicide mes deux enfants. Je ne voulais pas m’en débarrasser mais je ne pouvais pas les laisser orphelin… Je suis donc passé dans le monde de l’ombre, en marge de la société. Je suis donc en prison. Comment ai-je pu tomber si bas ? Un traitement me soulage… je m’inscris au culte catholique. Je cherche l’apaisement « Et puis j’ai rencontré deux aumônières avec qui les études bibliques sont si riches … Les sujets peuvent être très profonds, qui, pour ma part, m’aide à faire ressurgir le meilleur de moi… Je me suis souvent sentie seule dans la vie, depuis l’enfance jusqu’à cette incarcération. Je déteste mes facettes pourries mais je dois les accepter car elles font partie de moi. Ici, en prison, derrière les murs de 6 mètres de haut, j’ai trouvé de l’humanité, dernier lieu où je pensais en trouver. Je suis acceptée comme je suis par les surveillantes, par la nouvelle famille que je me suis créée puisque celle « dite de mon sang » m’a fermé les portes. Je suis valorisée par les autres détenus, par les aumônières, le père, le diacre et je sais que je ne serai plus jamais seule ! Jésus, Dieu est là et il m’aime. Je pense à ses paroles et je m’apaise. Je chante des chants, je joue à la guitare pour lui, donc pour moi je repars le cœur rempli d’amour. »

Philippe a d’abord été accompagné un an en quartier d’isolement tant il était violent. « Quand on est victime d’abandonite on ne maîtrise pas sa panique quand elle arrive », comme il nous a raconté plus tard quand il est sorti de la violence car « il avait décidé de ne plus être seul ». Les premières confrontations avec le juge avaient été très violentes. Il avait décidé de mieux gérer sa vie mais était tétanisé par une nouvelle présentation, la sortie de cellule, le transport pour toute la matinée et l’attente dans les cellules du tribunal, autant de conditions qu’il savait propices à réactiver sa peur et sa violence. Il a beaucoup prié, il a réussi à dormir pendant le temps d’attente, il a été respectueux devant le juge et s’est même excusé. Lors du groupe « Parole et fraternité » qui a suivi, il nous a raconté cela avec fierté et a conclu « le diable s’est pris une claque ! »

À l’évêque : « Si je m’adresse aujourd’hui à toi, c’est pour te parler de ma foi, même si elle n’a pas toujours été fidèle. Sans doute par des colères, des incompréhensions, voire même de la haine, au final, je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même. Comment s’en prendre à Dieu pour nos erreurs nos fautes, notre souffrance ? Pour la plupart d’entre nous, c’est sans doute pour se soulager d’un bien trop lourd fardeau. Comment peut-on être aussi égoïste ? Aucun être créé par Dieu ne peut être puni en son nom.

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