« Une occasion singulière de puiser davantage dans le trésor de la liturgie »
L’an dernier les célébrations publiques étaient interdites, et les fidèles avaient eu à vivre des célébrations domestiques. Dans quel contexte va se dérouler cette Semaine Sainte cette fois ?
P. Jean-Laurent Martin, responsable diocésain de la Pastorale liturgique et sacramentelle : On peut dire qu’il y a un soulagement ; nos communautés espérent se rassembler pendant les jours saints. Cependant la difficulté du maintien du couvre-feu et les restrictions sanitaires obligent beaucoup de pasteurs et leurs communautés à s’interroger sur les horaires qu’ils pourront proposer.
Cette question des horaires n’est cependant pas anecdotique car les célébrations doivent aussi répondre à une règle liturgique que l’on appelle la «vérité des heures». Celle-ci consiste à veiller à garder une cohérence entre ce qui est vécu au cours de la liturgie et le moment de la journée au cours duquel les fidèles vivent cette célébration. Cette attention s’est manifestée, en particulier depuis Vatican II, par le retour des messes dites vespérales, c’est-à-dire ayant lieu en deuxième partie de journée, comme c’est le cas du Jeudi saint, pour la messe de la Cène du Seigneur, et bien sûr celle de la Vigile pascale, le samedi soir.
Du fait des restrictions actuelles, plusieurs pasteurs pourraient se questionner sur l’opportunité de proposer une messe du Jeudi saint le matin, pour pouvoir organiser un temps d’adoration en suivant... Mais le missel nous invite bien à respecter cette vérité des heures.
Ces dernières semaines, plusieurs notes ont été publiées en ce sens au niveau de l’Église universelle et par la Conférence des évêques de France. La Congrégation romaine pour le Culte divin a ainsi rappelé que les mesures prises l’an dernier restaient en vigueur (recommandation de ne pas reproduire le lavement des pieds le Jeudi saint, de ne pas embrasser la Croix lors de la vénération du Vendredi saint...). L’Église de France a elle-même repris ces notes et a émis des propositions aux diocèses, que nous diffusons en Gironde dans un document adressé à l’ensemble des curés (voir encadré) qui contient également quelques propositions originales.
Entre le couvre-feu à 18h et cette «vérité des heures» à honorer... comment alors vivre au mieux les fêtes de Pâques ?
Il faut rappeler une évidence : nous célébrons avec tous nos sens... Une Vigile pascale est un office dit de Nuit, s’il est célébré en plein milieu du jour cela perd alors beaucoup de sens pour les fidèles. Nous proposons donc de vivre cette célébration à l’aube du dimanche, à partir de 06h30 et avant le lever du soleil, comme la première messe de la Résurrection.
De manière inattendue, ce peut être l’occasion cette année d’entendre d’une manière nouvelle le début de l’Évangile qui est habituellement proclamé lors de la veillée : « De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se rendent au tombeau dès le lever du soleil » (Mc 16, 2).
Les paroisses qui le souhaitent peuvent aussi ne pas proposer de Vigile et vivre directement la messe du jour de Pâques, dans la matinée du dimanche. Nous proposons alors à ces communautés de tenir compte et d’intégrer dans la liturgie, de manière adaptée, des signes d’habitude présents au cours de la Vigile. Tel que l’accueil du cierge pascal, avec un chant approprié comme par exemple « Joyeuse lumière » du P. Gouzes, ou conserver la bénédiction de l’eau et l’aspersion à leur place de rite pénitentiel. Finalement, la crise peut aussi être pour chacun l’occasion singulière de nous réapproprier le trésor que proposent les rites du temps pascal.
Ces divers déplacements liturgiques ont aussi pour conséquence de nous faire aborder différemment le Samedi saint...
C’est peut-être là aussi une heureuse occasion, malgré ou grâce à cette crise, de redonner toute sa place au Samedi saint qui, traditionnellement, est marqué par son caractère aliturgique (sans célébration eucharistique). Libérées de l’organisation matérielle d’une Vigile le samedi soir, les églises pourront donc rester davantage dans la symbolique de ce jour où l’Église se recueille en silence auprès du tombeau du Seigneur, dans l’attente de sa Résurrection.
Nous avons relayé aux communautés de Gironde la proposition nationale de vivre un office des lectures dans une église dépouillée (le tabernacle ouvert restant vide de la présence eucharistique, l’église n’étant pas encore pourvue de sa belle ornementation de Pâques...) Unis dans la prière et désireux de confier tous les catéchumènes qui vivront les sacrements de Pâques, nous pourrons cette année vivre pleinement ce jour unique que la liturgie nous offre où le Christ, descendant aux enfers, entraîne toute l’humanité à faire sienne la joie du Ressuscité.