« Il faut ouvrir nos cœurs pour rejoindre l’homme d’aujourd’hui ! »
Le mot « partenariat » caractérise ce jumelage. Nous avons quelque chose à partager mutuellement. Nous avons aussi besoin de soutien, de savoir comment d’autres Églises fonctionnent aujourd’hui, comment elles évangélisent, transforment la société.
Vous venez de découvrir notre diocèse, en passant dix jours en Gironde, qu’aviez-vous en tête en posant le pied sur notre sol ?
Mgr Jan Ozga : Nous sommes venus dans l’espoir d’établir, avec le cardinal Jean-Pierre Ricard, la charte d’un jumelage entre nos deux diocèses. Nous y sommes parvenus. C’est pour moi un point de départ qui va être poursuivi au travers d’une convention destinée à préciser notre collaboration. La signature de cette charte à la cathédrale fut pour nous un moment historique.
Au cours de vos visites vous avez souligné que l’idée d’un jumelage allait bien au-delà d’une coopération économique, elle est également loin d’être à sens unique.
Tout à fait, pour moi le mot « partenariat » caractérise ce jumelage. Nous avons quelque chose à partager mutuellement. Nous avons aussi besoin de soutien, de savoir comment d’autres Églises fonctionnent aujourd’hui, comment elles évangélisent, transforment la société. Pour moi, c’est la base, la fondation de cette relation. Nous allons ainsi travailler sur certaines difficultés communes, comme par exemple la formation des jeunes futurs pasteurs, la formation des catéchistes, sur le besoin d’une pastorale de proximité... Ce jumelage est panoramique : il touche tous les problèmes.
Vous avez découvert en Gironde des communautés diverses, quelles initiatives gardez-vous en tête ?
Nous avons vu dans quelques paroisses des jeunes et des enfants qui sont pour nous la joie et l’espérance. Ce germe de vie est le signe que l’Eglise, tôt ou tard, sera en sortie. Vous avez par ailleurs de nombreux laïcs adultes très engagés dans l’Eglise, mais nous sentons aussi votre préoccupation liée à l’absence d’une jeunesse investie.
Comment permettre à un jeune, face à la pression qui l’entoure, de partager son temps, de réfléchir, de faire quelque chose pour que l’Église vive aujourd’hui ? Je crois que l’expérience du diocèse de Doumé-Abong Mbang, sur la façon d’approcher et d’engager les jeunes d’une manière libre mais responsable peut sans doute, sous une autre forme, bien sûr, vous être utile.
Vous avez partagé lors de vos rencontres plusieurs initiatives prises au Cameroun, en défendant l’idée d’une évangélisation à la fois « horizontale et verticale », qu’en est-il exactement ?
Pour moi, la chose principale, c’est le contact de l’homme avec Dieu, qui se laisse toucher par la Parole du Seigneur. J’aime beaucoup l’expression du pape Benoît XVI qui dit : « Ne vous inquiétez pas, Jésus n’enlève rien, il donne tout ». Cette dimension verticale est extrêmement importante, car c’est là que se joue la relation directe avec Jésus. L’action évangélisatrice doit permettre et soutenir cette rencontre personnelle. D’ailleurs si l’on regarde la forme de la croix, la direction verticale est plus longue que celle horizontale...
La dimension horizontale signifie que l’homme, déjà animé par le Seigneur, veut maintenant agir, au nom de sa foi, et partager son expérience avec les autres. Pour nous la dimension horizontale, c’est la question sociale, la question de la vie quotidienne. Lors d’une de nos rencontres, l’un de nos prêtres a ainsi pu dire que chez nous « il n’y a pas de “journée des malades”, car on doit s’occuper toute l’année de nos malades ». Nous faisons face à une situation concrète qui demande une action immédiate et quotidienne.
C’est l’Église « hôpital de campagne » dont parle le pape François ?
C’est donner quelque chose à manger, un verre d’eau, un morceau de bois apporté par quelqu’un, c’est nettoyer la maison, c’est la vie concrète ! C’est cette vision qui nous a motivés pour vivre deux Synodes successifs.
Le premier, entre 2000 et 2005 qui a préparé le 50ème anniversaire du diocèse, et le second entre 2013 et 2015 qui était thématique, au cours duquel nous avons abordé la question des jeunes : comment faire pour les attirer, comment les responsabiliser ? Lorsque j’ai décidé de marcher au côté des jeunes, lors des pèlerinages que nous avons organisé, beaucoup m’ont dit avoir été touché par le fait de voir « l’évêque boîter comme nous, s’écrouler de fatigue comme nous »...
Ce que vous avez appelé une « pastorale de proximité », est-elle à vivre par les prêtres, mais aussi par tout baptisé autour de lui ?
Cette pastorale est vécue d’abord par Dieu lui-même, en la personne de Jésus, qui se fait tellement proche de notre vie quotidienne. Regardez le, lorsqu’après l’un de ses sermons il décide de ne pas renvoyer la foule. Il aurait pu dire à tout le monde : « Laissez-moi tranquille, je voudrais me reposer ». Au lieu de cela, il dit à ses apôtres : « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Matthieu 14:16). Et avec quelques pains et poissons, il nourrit la foule. Le Seigneur montre comment il est à côté de l’Homme.
Je voudrais aussi souligner la présence depuis plusieurs années, dans votre diocèse de Bordeaux, de deux prêtres venus du diocèse de Doumé-Abong Mbang. Bernard Zengue-Alamba et Yves-Maurice Zambo partagent avec vous cette pastorale de proximité que nous essayons de vivre dans notre diocèse Les retours émanant de leurs paroisses sont extrêmement positifs. Ils sont nos ambassadeurs parmi vous.
Vous avez le souci d’une Église qui aurait tendance à se refermer sur elle-même. Que voyez vous comme remèdes pour sortir de cette tentation ?
J’utilise deux remèdes dans notre diocèse que je vous prescrirais volontiers ! Le premier s’appelle «C-C-C» comme « Communiquer , Comprendre, Communier ».
D’abord, il faut communiquer différemment avec l’Homme, utiliser tous les moyens actuels pour le rejoindre. Ensuite, si l’on communique avec l’autre, on se comprend. Si on se comprend on peut savoir de quoi l’autre souffre. Et enfin, la communion. Dès que je sais que vous êtes en difficulté, je vous consacre 15 minutes, je communie avec vous, par mon temps, mon intelligence, ma foi, ma prière. Ce médicament est extrêmement important !
Le deuxième remède, c’est la parole même de Jésus lorsque il dit à l’oreille d’un sourd : « Ephata », « ouvre-toi !».
Il faut ouvrir nos yeux, nos oreilles, nos coeurs surtout, et nos mains. Donner nos sourires, nos regards, un simple geste, pour nous ouvrir à l’homme d’aujourd’hui et nous demander sans cesse : « qui est à côté de moi ? »