“Souffler sur les braises, rallumer le feu de l'amour en nous”

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Homélie du cardinal Jean-Pierre Ricard, pour la messe du Mercredi des Cendres, marquant l'entrée en Carême, prononcée en la cathédrale Saint-André, le mercredi 5 mars 2014.

Chers frères et sœurs,

Chers amis,

Pour comprendre ce qui nous est proposé pendant ce Carême, il faut mettre en relation les cendres d’aujourd’hui avec le feu de la vigile pascale et la lumière de Pâques.

Nous avons tous vu un tas de cendres dans une cheminée. C’est le signe que l’on y a fait du feu et que tout le bois que l’on y a mis s’est consumé. Là, nous pouvons nous trouver devant deux situations : soit le feu est complètement éteint et il faut alors tout rallumer à nouveaux frais, soit derrière la cendre se cachent des braises encore chaudes, sur lesquelles il suffit de souffler  si on veut que le feu reprenne.

“Être chrétien, c’est être habité par un feu intérieur, celui qu’allume en nous l’Esprit saint”

Ces cendres et ce feu sont l’image de notre vie spirituelle. Être chrétien, c’est être habité par un feu intérieur, celui qu’allume en nous l’Esprit saint, un feu qui éclaire, réchauffe, rassure et réjouit celui qui l’accueille en lui. C’est le feu de l’amour de Dieu et de l’amour des autres. C’est ce feu que Jésus évoque lorsqu’il dit dans l’évangile : « C’est un feu que je suis venu allumer sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé » (Lc 12, 49). Saint Jean Baptiste avait annoncé que celui qui viendrait après lui, Jésus, « baptiserait dans l’Esprit Saint et le feu » (Lc 3, 16).

Avouons-le : ce feu, aujourd’hui, il a besoin, en nous, d’être rallumé, renforcé, entretenu. Peut-être avez-vous l’impression qu’il s’est complètement éteint. Vous vous êtes laissés vivre. Vous avez été pris par mille activités, mille préoccupations, et la recherche de Dieu a été complètement oubliée. Votre vie chrétienne est aux abonnés absents. Enfin, pas complètement, car si vous êtes ici ce soir, c’est bien parce que vous souhaitez rallumer la flamme en vous.

Peut-être sentez-vous que le feu n’a pas été complètement éteint, mais il a besoin de repartir. Il faut souffler sur les braises, entretenir la flamme, alimenter le feu. Et tout le temps du Carême nous est donné pour rallumer le feu de l’amour en nous, afin que nous puissions accueillir à Pâques le Christ ressuscité dans des cœurs brûlants, comme ceux des disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24, 32). Le Seigneur nous dit aujourd’hui ce qu’il disait autrefois à Sainte Jeanne de Lestonnac, une sainte de chez nous, nièce de Michel de Montaigne : « Prends garde, ma fille, de ne laisser jamais éteindre ce feu que j’ai allumé dans ton cœur et qui te porte maintenant avec tant d’ardeur à mon service. » (HO p.53).

Qu’est-ce qui nous permet d’entretenir la flamme ? Jésus dans l’Evangile nous rappelle quels sont les trois moyens qui ont fait leur preuve en ce domaine : la prière, le jeûne et l’aumône.

le temps du Carême nous est donné pour rallumer le feu de l’amour en nous
La prière

Prenons du temps pour venir à la rencontre de Dieu, nous remettre devant lui, écouter sa parole, l’accueillir dans l’eucharistie ou recevoir son pardon dans le sacrement de pénitence. Notre vie spirituelle est souvent tiède parce qu’elle n’est pas assez nourrie. Ce n’est pas nous qui, à la force du poignet, pouvons l’alimenter. C’est le Seigneur qui le peut. Sachons le rejoindre, l’accueillir, lui ouvrir la porte de nos vies et c’est lui qui, par son Esprit, alimentera la flamme. En ce début de Carême, posons-nous la question : quels sont ces temps de rencontre avec le Seigneur qu’il nous paraît important d’inscrire dans notre journée, dans notre semaine, dans notre marche vers Pâques.

Le jeûne

Longtemps abandonné, on en retrouve aujourd’hui la signification. Il y a des jeûnes diététiques (les régimes), des jeûnes politiques (la grève de la faim). Il nous faut redécouvrir la signification spirituelle du jeûne. Le jeûne, c’est une distance qui est prise vis-à-vis de nos besoins immédiats de consommer, de prendre, de vouloir, souvent de façon inconsciente, combler un manque. Il peut y avoir bien des formes d’addiction : à la nourriture, à la cigarette, à l’alcool, à la drogue, à la musique, à notre ordinateur, à notre téléphone portable, aux jugements des autres et à l’image de nous qu’ils nous renvoient…Prendre une distance vis-à-vis de tout cela nous rend plus libres, plus disponibles à Dieu, aux autres et à nous-mêmes. Demandons-nous : de quoi, dans notre vie, avons-nous besoin d’être libérés afin d’être plus libres pour aimer ?

L’aumône

Élargissons la compréhension spontanée que l’on peut avoir de ce mot. L’aumône, ce n’est pas la piécette qu’on donne furtivement, c’est la dimension de partage dans nos vies, d’attention aux autres, de solidarité et d’accueil fraternel. Il y a bien des façons de donner : on peut donner de son argent, de son temps, de son écoute, de son aide ou de son amitié, mais aussi de son témoignage de foi. Nous risquons souvent de vivre trop repliés sur nous-mêmes, centrés sur nous, peu disponibles aux autres en dehors du réseau sélectionné qui est le nôtre. Or, le Christ vient à nous aussi à travers toutes ces démarches que nous faisons pour aller à la rencontre des autres. A travers elles - nous le sentons bien en nous - le Seigneur alimente le feu et entretient la flamme.  En ce début de Carême, interrogeons-nous : sur quels points dans notre vie devons-nous mettre en œuvre cet engagement fraternel ? Comment vivre un Carême plus missionnaire, plus apostolique ?

 

En fait, frères et sœurs, à travers la prière, le jeûne et l’aumône, il ne s’agit pas d’abord de mettre en place des techniques spirituelles pour atteindre certains objectifs. Il s’agit surtout d’accueillir le Christ, nous rendre disponibles à sa présence et à son Esprit, en un mot : à nous convertir à lui et à croire en la puissance en nous de l’Evangile.  C’est lui qui nous fera brûler du feu de son amour. C’est ce que nous allons vivre maintenant en recevant les cendres et en entendant le prêtre prononcer sur nous cette invitation du Seigneur : « Convertissez-vous et croyez à l’Evangile ». Amen.

 

† Jean-Pierre cardinal Ricard

Archevêque de Bordeaux

 

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