“ Le dernier mot sera à l'amour. ”

Partager sur: Partager sur Twitter Partager sur Facebook Partager sur Google+

Homélie du cardinal Jean-Pierre Ricard, prononcée lors de la messe pour les victimes des attentats de Paris et pour la Paix, ce dimanche 15 novembre 2015, à 18h30, en l'église Notre-Dame de Bordeaux.

 

 

 Voir les photos sur Flickr

 

Chers frères et sœurs,

La littérature apocalyptique à laquelle appartiennent le livre de Daniel et un certain nombre de pages de l’Evangile n’a pas pour but de décrire avec précision le scénario de la fin du monde mais d’aider les croyants à vivre le présent, un présent souvent sombre, difficile, semé d’épreuves et d’embuches. Avouons que ce que nous vivons en France ces jours derniers nous rend particulièrement attentifs et réceptifs au message qui nous est délivré.

“La parole du Christ qui invite à l’amour, au courage et à l’espérance ne passera pas”

À des croyants terriblement éprouvés par des drames et des persécutions, à des hommes et des femmes qui sont tentés par le découragement devant l’horreur du mal et la puissance de la haine, l’Ecriture vient dire : ne perdez pas cœur, ne baissez pas les bras, le mal n’aura pas le dernier mot. Le dernier mot sera à l’amour. C’est lui qui triomphera du mal, du péché et de la mort. La victoire revient à l’agneau immolé. C’est lui qui sera vainqueur. Tenez bon. Car celui qui vient à notre rencontre, c’est le Christ mort et ressuscité. Il a été vainqueur de la haine des hommes. Par le don de son Esprit, il inaugure un règne nouveau qui prend visage dès aujourd’hui mais qui n’aura son plein déploiement qu’à la fin des temps. Le ciel et la terre passeront mais la parole du Christ qui invite à l’amour, au courage et à l’espérance ne passera pas.

Nous avons besoin d’entendre cette Parole de Dieu, car devant le mal, la barbarie meurtrière, à la fois aveugle et programmée, plusieurs attitudes sont possibles : la haine, la peur, la fuite ou le cynisme.

- La haine. C’est le désir de vengeance et la volonté de rendre coup pour coup, en se laissant habiter par la haine de l’autre.

- La peur. C’est la peur devant l’ennemi, une peur qui amène à céder devant lui pour ne plus être inquiété (c’est la voie ouverte à toutes les capitulations) ou bien la peur qui pousse à désigner des complices, des ennemis de l’intérieur (on risque par exemple de mettre dans le même sac arabes, musulmans et de tous les suspecter indistinctement). La peur fait facilement des amalgames.

- La fuite. C’est la volonté de tirer son épingle du jeu, de vite oublier tout cela, surtout si vous n’êtes pas touchés vous-mêmes par ces événements et ces épreuves.

- Le cynisme enfin. C’est l’attitude de ceux qui sont fascinés par la puissance du mal, par la violence, et qui pensent que dans un monde qui est une jungle, seuls ceux qui se comportent comme des loups ont la chance de sauver leur peau et de remporter la victoire.

 

 

Les premiers chrétiens ont été confrontés à ces tentations. Mais, grâce à la puissance de l’Evangile, ils ont su y résister. Ils nous invitent aujourd’hui à vivre en chrétiens et à témoigner dans notre comportement de tous les jours des exigences de l’Evangile. Ils nous lancent un quadruple appel :

- Ne rends pas le mal pour le mal et ne te laisse pas gagner par la haine. Seul l’amour est vainqueur.

- Ne cède pas à la peur. Ne fais pas le jeu de l’adversaire. Résiste au mal. « Ne crains pas », dit Jésus. Ne te laisse pas aller à l’affolement et à la recherche de boucs émissaires.

- Sois un artisan de paix et de fraternité. Rappelle à tous la valeur inestimable de la vie de chaque personne humaine. On ne tue pas des innocents. Montre-toi solidaire de ton pays. Nous avons une communauté de destin et nous avons à bâtir ensemble une société fraternelle où chacun doit trouver sa place. Peut-être avons nous trop négligé ces dernières années cette valeur de l’amour de notre pays et l’importance d’apporter notre pierre à l’édification de ce destin commun ?

- Prie pour les victimes et pour les bourreaux. Prie pour ceux que Dieu accueille aujourd’hui dans sa Maison, prie pour leurs familles qui vont avoir à faire un long travail de deuil. Prie pour les meurtriers, pour que des cœurs puissent se libérer de cette emprise quasi démoniaque de la haine meurtrière et de la violence programmée froidement.

Si vous agissez ainsi, nous dit le Seigneur, vous serez vraiment les enfants de votre Père.

Puisse cette eucharistie que nous célébrons ce soir renforcer en nous cette dynamique de vie. Amen.

+ Cardinal Jean-Pierre Ricard

Archevêque de Bordeaux

Partager sur: Partager sur Twitter Partager sur Facebook Partager sur Google+