“L’année jubilaire se clôt, pas la miséricorde ni le synode”

Oui, pratiquons les œuvres de miséricorde. Soyons les disciples joyeux et les serviteurs convaincus de ce Christ qui veut communiquer aux hommes la plénitude de la vie.

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Homélie prononcée par le cardinal Jean-Pierre Ricard, lors de la messe de clôture de l'Année jubilaire de la Miséricorde, le dimanche 20 novembre 2016 en la cathédrale Saint-André.

 

Chers frères et sœurs,

 

Au moment où se clôture cette année jubilaire de la miséricorde, nous voulons en premier lieu rendre grâce à Dieu pour tout ce que cette année nous a apporté. Il nous a été donné de nous remettre devant le visage de ce Dieu tendre et miséricordieux, d’apprendre à mieux goûter sa tendresse, sa compassion et son pardon. Oui, ce Père que Jésus nous révèle, ce Père qui a des entrailles de mère, ne nous enferme pas dans notre passé, dans notre péché, mais nous redit son amour et nous rouvre sans cesse la porte de l’avenir. Avec lui, nul n’est condamné, nul n’est rejeté. Avec lui, chacun, comme le fils prodigue de la parabole, se sent accueilli. Comme un fils bien-aimé, il est attendu, embrassé par son père et voit s’ouvrir avec joie la maison paternelle.

 

Le passage par les six portes saintes dans notre diocèse, les démarches de pèlerinage, les veillées de prière, les soirées de conférence, les nombreuses confessions ont été pour beaucoup de vrais temps-forts spirituels. Bien des personnes ont vécu cette année jubilaire comme un don de Dieu, vraiment comme une année de grâce et de bénédiction. J’ai été moi-même témoin de belles démarches de conversion et de renouveau spirituel. Je sais que de nombreux prêtres pourraient en dire autant. Alors, ce soir, sachons ensemble rendre grâce à Dieu.

 

Une année sainte s’ouvre et se clôt. Des portes saintes s’ouvrent et se ferment. À la fin de notre célébration nous fermerons la porte sainte de notre cathédrale. On aurait pourtant tort de considérer une année jubilaire comme une parenthèse que l’on ouvrirait et que l’on refermerait. Elle est au contraire un tremplin qui nous est offert pour poursuivre avec plus de force et de détermination un engagement spirituel. Il nous faut continuer de découvrir ce visage de miséricorde de Dieu mais aussi de mettre en œuvre cette miséricorde, si nous voulons, comme des fils et des filles qui ressemblent à leur Père, ressembler, nous aussi, à notre Père céleste. La parole du Christ continue à nous accompagner : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 36). Oui, il nous faut davantage encore être artisans de miséricorde.

 

Nous avons besoin d’être artisans de miséricorde tout d’abord entre nous, dans l’Église. Le geste que nous avons fait les uns sur les autres, au début de notre célébration est venu nous le rappeler. Nous avons besoin de réconciliation dans l’Église car souvent nous avons pu porter les uns sur les autres des jugements durs. Nous avons pu avoir des paroles blessantes. Nous avons manqué de charité, de bienveillance, d’attention à l’autre, d’acceptation des différences. Il y a des pardons que nous n’avons pas su ou voulu donner. Nous avons été indifférents les uns aux autres, dans notre vie personnelle, dans nos familles, au sein de nos communautés chrétiennes. Nous avons besoin de miséricorde, de réconciliation, de pardon, de plus de communication et de compréhension. Je souhaite que notre synode diocésain nous aide à poursuivre ce travail de miséricorde et de communion. En ce qui me concerne, je demande pardon à tous ceux et celles que j’ai pu blesser par des jugements, des paroles, de l’inattention, ou par des actes de proximité ou de solidarité qui étaient attendus de moi et qui ne sont pas venus. Oui, nous avons besoin de demander pardon et de nous pardonner mutuellement.

 

Cette année de la miséricorde que nous venons de vivre nous appelle aussi à être dans notre environnement, dans la société qui est la nôtre, les témoins et les serviteurs de la miséricorde. Tout à l’heure, nous allons ressortir de cette cathédrale. C’est dans le monde et l’univers familier que nous allons retrouver que nous aurons à témoigner de la sollicitude de Dieu, de sa compassion, de sa proximité, de son désir de venir à la rencontre de chacun. Si nous fermons nos cœurs et nos mains, même avec les meilleures justifications possibles, nous ne permettons pas au Christ de poursuivre son œuvre de salut. Il veut passer aujourd’hui par nous. Mais s’il trouve en nous la porte close, il ne le pourra pas. Le pape François nous rappelle fortement que l’Église est envoyée par Dieu pour donner visage à sa miséricorde :

  • dans l’accueil des migrants, des réfugiés, de tous ceux qui ont fui la guerre ou la famine,
  • dans l’attention aux pauvres, à tous ceux et celles qui sont laissés pour compte dans notre société. N’oublions pas tout le travail qui se fait au sein du Secours catholique dans cette Journée nationale qui lui est aujourd’hui consacrée.
  • dans la défense des plus fragiles comme l’enfant à naître ou le vieillard en fin de vie,
  • dans l’aide apportée aux familles, et en particulier les familles en difficulté.

 

Oui, pratiquons les œuvres de miséricorde. Soyons les disciples joyeux et les serviteurs convaincus de ce Christ qui veut communiquer aux hommes la plénitude de la vie. Ne dit-il pas dans l’évangile de Jean : « Moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10, 10) ?

 

 

Mais la plus belle œuvre de miséricorde que l’on puisse faire est encore la communication de la Bonne Nouvelle, le don de l’Évangile. Nous savons que seule la parole du Christ peut toucher le cœur de l’homme et que le vrai bonheur auquel chacun aspire se trouve dans l’accueil de l’Esprit de Dieu. Faire œuvre de miséricorde, c’est donc partager un don, c’est offrir un plus. Le pape François nous le rappelle avec force dans son exhortation La Joie de l’Évangile : « On ne peut persévérer dans une évangélisation fervente, si on n’est pas convaincu, en vertu de sa propre expérience, qu’avoir connu Jésus n’est pas la même chose que de ne pas le connaître, que marcher avec lui n’est pas la même chose que marcher à tâtons, que pouvoir l’écouter ou ignorer sa Parole n’est pas la même chose, que pouvoir le contempler, l’adorer, se reposer en lui, ou ne pas pouvoir le faire n’est pas la même chose. Essayer de construire le monde avec son Évangile n’est pas la même chose que de le faire seulement par sa propre raison. Nous savons bien qu’avec lui la vie devient beaucoup plus pleine et qu’avec lui, il est plus facile de trouver un sens à tout. C’est pourquoi nous évangélisons » (n° 266). En mettant la mission au cœur de ses préoccupations, notre synode diocésain se veut au service d’une évangélisation renouvelée. D’où d’ailleurs sa question qui sera reprise et travaillée par les équipes synodales : comment nos communautés chrétiennes forment-elles aujourd’hui des disciples-missionnaires ? Oui, notre synode, qui s’est ouvert avec l’ouverture de l’année jubilaire, doit en être tout naturellement le prolongement et l’approfondissement. L’année jubilaire se clôt, pas la miséricorde ni le synode. Je compte sur vous pour que vous en soyez les acteurs joyeux et convaincus.

 

Que la Vierge Marie, Notre Dame d’Aquitaine, la Mère de la Miséricorde, accompagne notre marche et nous soutienne dans notre mission. Amen.

 

+ Jean-Pierre cardinal Ricard

Archevêque de Bordeaux

Évêque de Bazas

 

 

 

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