Donnons du temps à Dieu.

Dans le trop-plein de nos vies, faisons du vide, dégageons un peu d’espace pour Dieu. Nous ne le regretterons pas. (Mgr Ricard)

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Homélie prononcée par le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, lors de la Messe des cendres marquant l'entrée en Carême, le mercredi 1er mars 2017.

 

Chers amis,

 

Si nous cherchons une image biblique du Carême, c’est celle du désert qui se présente à nous. En sortant d’Égypte, le peuple hébreu va faire pendant 40 ans l’expérience du désert avant d’entrer en terre promise et Jésus, avant de commencer son ministère public, va séjourner au désert pendant 40 jours. Entrer en Carême, c’est donc partir au désert et vivre son Carême, c’est entrer dans l’expérience du désert.

 

Or, la signification du désert, dans la bible, est ambivalente. Le temps du désert est tout à la fois celui de l’intimité avec Dieu et celui de la tentation.

 

Le désert est ce temps où le peuple d’Israël va rencontrer son Dieu. C’est le temps des fiançailles, de l’Alliance, de l’intimité avec le Seigneur. C’est au désert que Jésus se remet pleinement devant son Père et entre avec toute son humanité dans son intimité. Au cours de l’histoire, des hommes et des femmes se sont retirés du monde, sont partis au désert pour se donner totalement à Dieu. La particularité du Carême, c’est qu’il ne nous invite pas à de lointains déplacements, mais qu’il nous offre de vivre le désert au cœur même de notre vie la plus quotidienne : « Toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra ». Vivre le temps du Carême, c’est vivre plus intensément un temps d’amitié avec Dieu, un temps d’intimité avec lui. A travers le Carême, Dieu fixe un rendez-vous à son peuple, à chacun d’entre nous. Il veut nous redire combien il nous aime, combien notre vie est précieuse à ses yeux, combien il nous appelle à accueillir son Esprit et à nous laisser transformer par lui. Dieu vient à notre rencontre. Il nous attend. Le Carême est moins un lieu où il faudrait se rendre qu’un temps où nous nous laissons rejoindre par le Seigneur. Pendant ce Carême, prenons du temps pour Dieu, pour la prière, pour la méditation de l’Écriture, pour nous poser devant Dieu et avec Dieu. Donnons du temps à Dieu. Dans le trop-plein de nos vies, faisons du vide, dégageons un peu d’espace pour Dieu. Nous ne le regretterons pas. Dieu nous fera respirer autrement. Il nous donnera souffle et tonus.

 

Mais si le désert est le lieu de l’intimité avec Dieu, il est aussi le lieu de la tentation, pas de petites tentations annexes mais de la tentation fondamentale, celle qui touche la foi et la confiance en Dieu. Dans le désert, le peuple est tenté. Devant la difficulté et le danger, il pense que Dieu l’a abandonné et qu’il a eu tort de lui faire confiance. Quand tout va bien, il sera tenté d’aller vers d’autres dieux que le grand Dieu d’Israël, vers d’autres divinités qui semblent plus prometteuses, plus payantes. Il oubliera Dieu. Jésus, lui, va être tenté de ne pas suivre la voie de l’amour humble, vulnérable, respectueux de la liberté de l’autre pour utiliser les moyens de puissance et de prestige, de manipulation des esprits pour sauver les hommes, même sans eux. Là où le peuple va céder à la tentation, Jésus, lui, va résister et être victorieux du Tentateur.

 

Le temps du Carême est le bon moment où nous pouvons faire le point dans notre vie, ce qu’on appelle faire une révision de vie ou une relecture de notre propre vie. Est-ce que Dieu a vraiment dans ma vie la première place ? Quelles sont mes idoles pratiques ? Quelles sont mes addictions, ces habitudes qui font que nous ne sommes pas vraiment libres, libres pour aimer, pour nous mettre au service des autres ? Qu’est-ce qui m’habite ? Qu’est-ce que je veux faire de ma vie ? Le Carême, c’est ce temps où nous pouvons nous tourner en toute vérité vers le Seigneur et lui dire : « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? ». Je suis sûr que si nous allons à lui, si nous lui ouvrons avec sincérité notre cœur, le Seigneur viendra à nous et nous visitera. Et quand le Seigneur visite une vie, il y a toujours un avant et un après. La grâce fait son œuvre.

 

Cette démarche du Carême est profondément personnelle. Personne ne peut la faire à notre place. L’aménagement de notre vie spirituelle dépend de chacun d’entre nous. Mais cette démarche qui nous est proposée n’est pas qu’individuelle. Elle est aussi profondément ecclésiale. C’est ensemble que nous allons à la rencontre du Seigneur, c’est ensemble, en nous entraidant, que nous entrons plus avant dans la conversion à laquelle nous appelle l’Évangile. Tout à l’heure, trois démarches vont nous être proposées : la réception des cendres, la confession et la communion eucharistique. Faisons de ces démarches autant de temps importants où nous nous livrons nous-mêmes à Dieu.


Faisons-le dans la confiance en sachant que dans cette marche du Carême nous ne sommes pas seuls, laissés à nos seules forces, mais que le Seigneur est proche de nous et que nous pouvons toujours compter sur son aide et sur sa lumière. Bon Carême avec le Seigneur.

 

 

+ Jean-Pierre cardinal Ricard

Archevêque de Bordeaux

 

 

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