“ Chères familles, vous êtes au cœur même de l’évangélisation ”

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Homélie du cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, prononcée lors de la Messe de clôture du Festival des familles en Gironde, le 4 octobre 2015, en la cathédrale Saint-André de Bordeaux.

 

Chers amis,

Vis-à-vis du couple, du mariage et de la famille, nous sommes aujourd’hui dans une situation contrastée.

D’un côté, il y a un fort attachement à la famille dans notre société. On en attend beaucoup. Les sondages le montrent. Rares sont les personnes qui souhaitent rester seules : il y a une attente affective très forte par rapport à une vie de couple. On a pu parler de « surinvestissement affectif » dans le couple. Mais le désir d’enfants est également très fort. Les techniques actuelles touchant la procréation paraissent apporter une réponse à un certain nombre de couples, touchés par la stérilité. Même si la mobilité qui marque notre vie aujourd’hui rend les relations familiales plus éloignées géographiquement, celles-ci apparaissent comme des valeurs sûres : je vois l’importance affective qu’ont les grands-parents pour un certain nombre de jeunes.

Oui, l’attachement au couple, aux enfants, à la vie familiale reste très fort. Mais en même temps, la famille n’a jamais été autant fragilisée. L’engagement dans le mariage est refusé, ou tout au moins repoussé, par un certain nombre de jeunes, et parfois même  d’adultes plus avancés dans la vie. Combien parlent de leur « compagnon » ou de leur « compagne » ! Peut-on s’engager pour la vie ? Beaucoup s’interrogent. Quand un mariage sur deux dans nos grandes villes aboutit à un divorce, on comprend que certains hésitent. On veut des enfants, mais pas trop. La plupart des pays européens n’ont pas un taux de natalité permettant le renouvellement des générations. Et cela va poser de redoutables problèmes démographiques dans les années qui viennent. La structure familiale est aujourd’hui remise en question dans nos sociétés par l’évolution des mœurs. On va parler des familles au pluriel : il y a les familles dites « traditionnelles », les familles recomposées, les familles de divorcés remariés, les familles monoparentales, les familles homoparentales. Les points de repère se sont estompés et notre société n’offre plus aux familles le soutien social qu’elle a pu apporter à d’autres époques.

Dans cette situation contrastée, quel message les disciples du Christ ont-ils à délivrer, quel témoignage ont-ils à donner, à quel service des familles, de toutes les familles, sont-ils appelés ?

Je crois que la Bonne nouvelle que nous avons à annoncer à tous, c’est que l’accueil du Christ, l’écoute de sa Parole, le compagnonnage avec lui sont un chemin de vie, d’épanouissement et de bonheur. Bienheureux êtes-vous si vous suivez le Christ et si vous vous mettez à son école ! Vous bâtirez votre maison sur le roc.

Pourquoi pouvons-nous dire cela ? Parce qu’avec le Christ nous sommes à l’école de l’amour véritable. Il nous apprend à aimer. Il nous communique son amour, un amour qui implique un décentrement, un accueil de l’autre pour lui-même, une volonté de se mettre, et de toujours se remettre, à l’écoute de l’autre, une patience, une bienveillance, une volonté de réconciliation, une pratique du pardon. Cet amour, à certains jours, passe aussi par la croix. C’est cet amour qui doit imprégner petit à petit tout amour conjugal, tout amour parental, tout amour familial. Il permet d’aller au-delà du simple désir ou du sentiment. Il donne force et lumière pour traverser les crises et les épreuves de la vie. Cet amour du Christ est un bon antidote à toutes ces toxines qui risquent de s’attaquer au couple ou à la famille. Le Christ dénonce tout ce qui peut se cacher dans une volonté de mettre la main sur l’autre, de ne pas le respecter, de vouloir le façonner selon ses souhaits ou les images que l’on s’en fait, que ce soit dans le couple ou vis-à-vis de ses enfants. Cet amour nous invite à vivre autrement les relations familiales parfois complexes et les conflits d’intérêt. Combien de familles sont traversées par des tensions ou ont vu leurs membres se fâcher pour des questions d’héritage !

Avez-vous remarqué que dans l’Evangile la relation de Jésus à sa famille est ambivalente. D’un côté, il est pleinement inséré dans une famille, avec une mère, un père adoptif. Il grandit dans une famille : « Il leur était soumis » (Lc 2, 51), nous dit Saint Luc. Il va vivre en famille pendant trente ans. Ce qui n’est pas rien. Et en même temps, nous le voyons échapper à l’emprise familiale, en particulier chaque fois que l’on veut se saisir de lui et que l’on ne respecte pas la mission ou le mystère dont il est porteur. A douze ans, après être resté dans le Temple de Jérusalem, il répondra à Marie qui lui dit : « Ton père et moi nous te cherchons tout angoissés» : « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » (Lc 2, 48-49). Lorsque sa famille viendra le chercher pour le ramener à Nazareth, pensant qu’il avait perdu la tête (cf. Mc 3, 21), il répondra : « Qui est ma mère ? Qui sont mes frères ? » ; et montrant ses disciples, il ajoutera : « Voici ma mère, voici mes frères ; quiconque fait la volonté de mon Père qui est au cieux, c’est mon frère, ma sœur, ma mère » (Mt 12, 48). Jésus invite tous ceux qui le suivent à une fraternité accueillante et ouverte, une fraternité qui est un don de Dieu. Avec lui, il est impossible de s’enfermer dans un cocon affectif, dans un égoïsme familial, dans un réseau sélectionné d’amis et de relations choisies, dans les impératifs d’un clan familial. Le bonheur d’un couple, le bonheur des enfants et d’une famille, dépendra beaucoup de sa capacité à s’ouvrir sur une fraternité plus large. Sur ce point, la communauté ecclésiale, avec la fraternité qu’elle permet, est une chance, une grâce pour les familles.

Mais, me direz-vous, qu’en est-il pour ceux qui ont connu l’échec, qui ont l’impression d’être loin de ce plan de Dieu que Jésus rappelle dans l’évangile d’aujourd’hui en faisant référence à l’origine ? Sont-ils exclus de ce compagnonnage avec le Christ ? Non, dans l’Evangile, Jésus s’approche de tous. Il n’y a aucune situation qui serait fermée à sa miséricorde ou à sa compassion. Certes, il appelle à la conversion, au changement de vie. Mais chacun avec Jésus est invité, où qu’il soit, quelle que soit sa situation, à se mettre en route. Chacun, dans la diversité de ces vies familiales dont je parlais plus haut, est invité à se laisser aimer par le Christ et appeler par lui à la sainteté. Evitons nous-mêmes de tomber dans le travers du bon pharisien qui jugerait les autres. Nous faisons l’expérience, nous aussi, que la miséricorde de Dieu nous rejoint malgré (ou à travers) nos limites, nos faiblesses, nos résistances et nos péchés. La miséricorde du Seigneur est pour tous.

Frères et sœurs, voici la Bonne Nouvelle que tous nous avons à annoncer. Vous avez tout d’abord à la vivre au sein de vos familles. Le Concile Vatican II, à la suite des Pères de l’Eglise, a parlé de la famille comme d’une Eglise domestique. La famille est une Eglise domestique parce que c’est un lieu où l’on se met à l’école du Christ, où l’on découvre son amour et où l’on s’entraîne à aimer comme lui et avec lui. C’est un beau lieu d’apprentissage de l’amour selon l’Evangile, que ce soit dans le couple, avec les enfants, dans le cadre de la famille élargie.

Mais la famille est aussi une Eglise domestique parce qu’ elle témoigne auprès des autres familles, auprès des autres couples, dans notre société, que cet amour du Christ vient éclairer, guérir, sauver et fortifier l’amour humain. Avec lui, on peut affronter les inconnues de la vie et engager sans crainte son avenir dans le mariage et dans la famille.

Chers frères et sœurs, votre place est centrale dans l’Eglise. Que serait l’Eglise sans cette école de l’apprentissage au quotidien de l’amour du Christ que sont les familles chrétiennes ? Vous êtes au cœur-même de l’évangélisation car vous êtes porteurs d’une espérance, d’un souffle, d’une source d’eau vive qui est pour toutes les familles. Avec le Christ, vous avez trouvé la source de l’amour qui donne la vie. Cette source est pour tous. Soyez les témoins de cette invitation et de ce don. Soyez les témoins de cette sollicitude du Bon pasteur qui veut rejoindre chacune de ses brebis. Soyez dans la joie et que le Seigneur vous bénisse dans votre mission ! Amen.

 

       + Jean-Pierre cardinal Ricard

Archevêque de Bordeaux

Évêque de Bazas

 

 

 

 

 


 

Retrouvez aussi le mot d'accueil prononcée par le cardinal Jean-Pierre Ricard au début de cette célébration.

 

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