Si nous n’avons rien d’autre à proposer que ce qui habite l’air du temps, à quoi servons-nous ? Édito de Mgr James
Lors des Journées mondiales de la jeunesse à Cracovie, un jeune interroge le pape François sur la conduite à tenir avec « un ami athée pour qu’il se convertisse ». « La dernière chose à faire est de dire quelque chose ! », lui répond le Pape. « Tu vis l’Évangile, et s’il te demande pourquoi tu agis comme cela, alors tu lui expliques et tu laisses l’Esprit Saint agir en lui ».
Ce jeune avait le désir d’évangéliser ! « L’Église existe pour évangéliser » écrivait saint Paul VI. Mais il faut le reconnaître : cela suscite plein de questions ! Certains, ici, soulignent l’ambiguïté des missions du XIXème siècle : évangélisation ou introduction de la culture occidentale ? D’autres mélangent évangélisation et prosélytisme. D’autres encore nous mettent en demeure de choisir : la foi, lumière pour le monde ou levain dans la pâte ? Nous avons besoin d’éclairages.
Pour nous guider, la première lumière c’est bien sûr, la Parole de Dieu, les mots du Christ : « Allez ! » Après la Pentecôte, les disciples prennent la route. C’est, par exemple, la rencontre de Simon-Pierre avec le centurion Corneille. Ce centurion désire rencontrer l’apôtre. C’est vrai aussi aujourd’hui ! Des personnes autour de nous, souhaitent découvrir la foi chrétienne. Bien sûr, des gens sont hostiles au christianisme. Nous ne sommes pas naïfs ! Mais tant d’autres ont soif ! Le Seigneur travaille les cœurs, l’Esprit Saint nous précède dans le cœur des hommes. Considérer que le monde qui nous entoure ne serait que mauvais, et que le péché règnerait partout, n’est pas juste du point de vue de notre foi. Ce serait oublier la présence et l’action de Dieu dans notre monde d’aujourd’hui ! « Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils Unique » (Jn 3, 16). Dieu agit dans les cœurs pour qu’Ils se tournent vers Lui ! Et le croyant sait reconnaitre l’œuvre de Dieu : nous sommes souvent stupéfaits de rencontres où le Seigneur nous a précédés. Par conséquent, la première attitude de l’évangélisateur c’est de rendre grâce à Dieu qui agit ! Les lettres de saint Paul, évangélisateur, commencent toutes par une parole d’action de grâce.
Mais je reviens au jeune rencontré par le Pape. Ce jeune a un ami. Et que désire-t-il pour son ami ? Qu’il se convertisse ! Qu’il se tourne vers le Seigneur ! Il y a quelque chose de très beau, propre à l’amitié : je désire faire se rencontrer mes amis. Celui qui a vraiment rencontré le Christ, Ami par excellence, n’a qu’un désir : le faire connaître, le faire rencontrer ! Car son message, sa vie, son amitié nous apportent tant à nous pécheurs ! « Pour moi, vivre c’est Christ » s’enthousiasmait Paul. C’est la deuxième attitude : l’évangélisateur brûle de zèle pour le Christ. Il veut partager ce trésor de l’amitié avec le Christ. Si notre désir de le faire connaitre s’est émoussé, que le Seigneur vienne nous manifester son amitié et nous fasse brûler de zèle pour Lui !
Ce jeune rencontré par le Pape souhaite que son ami athée « se convertisse ». Pourquoi ? Pour ajouter un membre de plus à l’association catholique ? Bien sûr, nous sommes heureux d’accueillir de nouveaux membres. Mais ce qui nous occupe dans l’évangélisation, ce n’est pas cela. Évangéliser, ce n’est pas non plus faire du prosélytisme en imposant nos convictions, en utilisant des techniques de marketing. C’est conduire au Christ : que Lui le Christ, se fasse voir dans ma personne, dans mon comportement. « L’Église grandit non par le prosélytisme, disait le pape Benoit XVI, mais par l’attraction ».
Des fruits sont-ils toujours ou d’emblée perceptibles ? Non, bien sûr. Nous pouvons évangéliser, c’est-à-dire chercher à faire connaitre le Christ, son message, sa vie, sans que des fruits soient donnés. Rappelons-nous le Christ Jésus lui-même : Il a évangélisé à Nazareth, à Bethsaïde ou à Corazin, les villes des bords du lac et sa parole n’a pas été accueillie (Mc 6, 6). Il faut du temps parfois et la conversion des personnes dépend du Seigneur et de l’accueil que ces personnes lui réservent.
J’en viens à la réponse du Pape à ce jeune tellement désireux de la conversion de son ami : « Tu vis l’Évangile ! » lui dit-il. C’est l’annonce implicite par le témoignage de la charité, du pardon, de la solidarité, par la prière aussi. Quelques exemples : une jeune étudiante, lors d’un voyage culturel à la basilique Saint-Pierre de Rome, demande un peu de temps pour elle. Et sa meilleure amie la voit se diriger vers la chapelle du Saint-Sacrement et prier. Point de départ d’une démarche qui va conduire cette amie au baptême ! Ou encore, un petit-fils demande le baptême après le décès de son grand-père : « son témoignage m’a marqué ; je veux vivre comme lui ! » Chacun de nous est invité à témoigner de la manière dont il vit l’Évangile, donc les Béatitudes, la parabole du bon Samaritain, ou encore pardonner 70 fois 7 fois ! Nous nous rappelons la phrase que le père Éloi Leclerc met dans la bouche de saint François : « Évangéliser un homme, c’est quoi ? c’est lui redire : toi aussi, tu es aimé de Dieu dans le Seigneur Jésus. Et pas seulement le lui dire, mais le penser réellement. Et pas seulement le penser, mais se comporter avec lui de telle façon qu’il découvre en lui qu’il y a quelque chose de plus grand et de plus noble que ce qu’il pensait. C’est cela, lui annoncer la Bonne Nouvelle. Tu ne peux le faire qu’en lui offrant ton amitié. » (Eloi Leclerc).
Et le Pape ajoute à ce jeune : « s’il te demande pourquoi tu agis ainsi, alors tu lui expliques. S’il te demande : heureux sommes-nous si notre comportement, nos choix à cause de l’Évangile, suscitent des questions : « pourquoi vis-tu ainsi ? Dis-moi ce qui t’anime ! Pourquoi tiens-tu tant à la messe ? » Heureux sommes-nous ! Car si nous n’avons rien d’autre à proposer que ce qui habite l’air du temps, à quoi servons-nous ? Mais, répondons, expliquons aussi : voilà l’annonce explicite vécue très simplement la plupart de temps ! « Mamie, explique-moi le signe de croix que tu fais » : c’est la question d’un enfant pendant l’été. Et parfois, l’annonce explicite précède l’implicite : c’est la profession de la foi en la résurrection prononcée à l’occasion d’obsèques d’un membre de la famille. C’est une conversation avec un collègue de travail ou un ami où la proclamation de la foi vient presque spontanément sur nos lèvres. Parfois même, cela va jusqu’à passer un livre ou un CD, ou à inviter à la messe. Car « il ne peut y avoir de véritable évangélisation sans annonce explicite que Jésus est Seigneur » (Pape François )
Ce mois-ci, nous allons vivre la semaine missionnaire mondiale. Elle est l’occasion d’accueillir à nouveau l’invitation du Christ : Allez ! « Vous serez mes témoins » (Ac 1, 8) ! Et le premier évangélisateur, l’Esprit Saint, nous accompagne !
+Jean-Paul James