« La paix soit avec vous ! »
Aujourd’hui, dans nos groupes et paroisses, les diversités d’opinions ne doivent pas être un obstacle insurmontable. Pour cela, avec l’aide de l’Esprit Saint, nous remettons chaque jour Jésus et le bien de l’Église au centre, et non le triomphe de nos opinions personnelles.
« La paix soit avec vous ! » La parole du Christ ressuscité est vraiment Bonne Nouvelle pour notre Europe en guerre avec le conflit en Ukraine, pour notre pays tellement fragmenté et morcelé, pour nos communautés catholiques où les relations ne sont pas toutes exemptes de querelles. La paix soit avec vous ! Cette paix est un don de Dieu et aussi une tâche pour nous : heureux les artisans de paix !
En effet, celui auquel nous croyons est « Dieu de la paix » (Rm15, 33). « Paix » n’indique pas seulement ce que Dieu donne, mais également ce qu’Il est. Saint Paul l’écrit du Christ : « Il est lui-même notre paix » (Ep 2, 14). Lorsqu’il dit : « je vous donne ma paix », il nous transmet ce qu’il est. Alors, être artisan de paix, ce n’est pas inventer la paix, mais la transmettre. Chacun de nous est invité à être un canal de la paix de Dieu, de la paix du Christ. Nous connaissons la prière de saint François d’Assise : « Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix ».
Dans le Nouveau Testament, la paix est souvent associée à la grâce : être « en paix avec Dieu » (Rm 5, 1) peut vouloir dire être « dans la grâce de Dieu ». C’est la paix intérieure que nous éprouvons lorsque nous sommes réconciliés avec le Seigneur, lorsque nous sommes ajustés à ce qu’Il attend de nous : « la paix soit avec vous ! » Pour garder cette paix intérieure, c’est bon de se rappeler la parole de Sainte Thérèse d’Avila : « Que rien ne te trouble, que rien ne t'effraie, tout passe, Dieu ne change pas, qui en Dieu se confie, ne manquera de rien, seul Dieu suffit ». Cette paix intérieure nous préserve des sentiments si répandus d’anxiété, d’angoisse, d’inquiétude. Bien sûr, il est quasi impossible d’en être libérés totalement dans la vie quotidienne. Mais la paix intérieure aide à dominer l’anxiété, à l’apaiser, à l’adoucir.
Dans l’Église, dans nos paroisses, les relations sont parfois difficiles, occasions de heurts, d’incompréhensions. Parfois les plus belles missions ecclésiales, par exemple le souci d’évangéliser, peuvent être mal vécus. Il nous faut passer, sans arrêt, de Babel à Pentecôte. À Babel, ceux qui construisent la tour cherchent à se « faire un nom » (Gn 11, 4). À Pentecôte, même s’il y a le réel désir de réussir, les premiers chrétiens placent d’abord la gloire de Dieu et le bien de l’Église au-dessus de tous leurs désirs personnels. Bien sûr, l’Esprit Saint reçu à Pentecôte n’aplanit pas automatiquement les divergences. Rappelons nous, par exemple, les débats, dans le livre des Actes des Apôtres, autour de l’accueil des païens convertis. Mais, pour autant, on ne constitue pas des clans, des partis, des chapelles. Chacun exprime sa propre conviction avec respect et liberté. Paul consulte Pierre à Jérusalem, et à un autre moment, il lui fait remarquer son incohérence (Ga 2,14). Mais, au terme du débat de Jérusalem, ils écrivent : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé … » (Ac15, 28). Aujourd’hui, dans nos groupes et paroisses, les diversités d’opinions ne doivent pas être un obstacle insurmontable. Pour cela, avec l’aide de l’Esprit Saint, nous remettons chaque jour Jésus et le bien de l’Église au centre, et non le triomphe de nos opinions personnelles.
« S’il est vrai que, dans le Christ, on se réconforte les uns les autres, si l’on s’encourage avec amour, si l’on est en communion dans l’Esprit, si l’on a de la tendresse et de la compassion, alors, pour que ma joie soit complète, ayez les mêmes dispositions, le même amour, les mêmes sentiments ; recherchez l’unité. Ne soyez jamais intrigants ni vaniteux, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts ; pensez aussi à ceux des autres. » (Phi 2, 1-4).
La fête de Pâques est ternie par le dramatique conflit en Ukraine. Dans une autre mesure, nous n’oublions pas non plus les crispations et tensions dans notre pays. C’est dans ce contexte que nous réentendons la béatitude : « Heureux les artisans de paix car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9). Qui sont les artisans de paix ? Non pas des gens qui évitent les conflits ou les différends, mais des personnes qui œuvrent pour la paix : « Ce sont des hommes qui aiment vraiment la paix, au prix même de compromettre leur propre paix personnelle ; qui interviennent dans les conflits pour susciter la paix et rétablir la concorde entre toux ceux qui sont divisés » (Jacques Dupont, in - Les béatitudes). Dans l’Ancien Testament, le mot paix est souvent lié à la justice : « justice et paix s’embrassent » (Ps 85, 11) ou encore : « l’œuvre de la justice sera la paix » (Is 32,17).
Et le Christ, lui-même, nous apprend, par sa parole, par ses exemples, ce qu’est être artisan de paix. « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne » (Jn 14, 27). En effet, César Auguste considérait la paix romaine comme le sommet de son œuvre. C’est une paix obtenue par sa victoire sur ses ennemis. Sur la croix, écrit saint Paul, Jésus « en sa personne, a tué la haine » (Eph. 2,16) : il a tué la haine et non l’ennemi. La seule manière aujourd’hui, d’assurer la paix « c’est de tuer l’hostilité, pas l’ennemi. Les ennemis se détruisent par les armes, l’hostilité se détruit par le dialogue » (Cardinal Cantalamessa). Qu’y a-t-il au fond de certains conflits apparemment insolubles, sinon la volonté et l’espoir secret d’arriver un jour à détruire l’ennemi ? « Nous ne saurions nous résigner à la continuation des conflits comme si une amélioration de la situation n’était pas possible ! Avec l’aide de Dieu, nous pouvons et nous devons toujours renouveler le courage de la paix ! » (Pape François). En ce moment, un élan de solidarité à l’égard des personnes et familles victimes de la guerre en Ukraine se déploie ici en Gironde, et des communautés, des mouvements, des familles accueillent des frères et sœurs meurtris par le conflit. Nous allons continuer à agir, sans oublier la prière pour la paix : « Seigneur Jésus Christ, tu as dit à tes Apôtres : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix », ne regarde pas nos péchés mais la foi de ton Église ».
+Jean-Paul James
Le 26 avril 2022