Homélie messe chrismale, lundi 11 avril 2022

    Chaque année, la messe chrismale est une source de vie et de joie. Nous la célébrons au milieu des évènements du monde et de l’Église, cette année des élections importantes dans notre pays, les drames de la guerre en Ukraine et en Arménie, les épreuves du Liban. Et, pour notre Église, la démarche synodale voulue par le Pape. Mais alors, dans ce contexte, quelles orientations pour le diocèse ? Quelle vision ? Quels engagements ? Écoutons le Christ et accueillons le signe des huiles saintes. 

    Oui, écoutons le Christ ! Dans la synagogue, Jésus reçoit sa feuille de route ; il inaugure sa mission : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur... Aujourd’hui ce passage d’Écriture s’accomplit » (Lc4, 18-19, 21). Toute sa vie, il met en œuvre sa feuille de route ! Il guérit les malades, il se fait l’ami des pauvres et des pécheurs. Pour confirmer son programme, Il laisse même à l’humanité tout entière, la parabole du Bon samaritain, de Lazare et du riche, du fils prodigue. Car il faut que s’imprime dans le cœur des disciples de tous les temps, des enthousiastes et des sceptiques, la bonté de Dieu pour les plus petits et les plus fragiles. Dieu a tant aimé le monde ! Le Christ en témoigne. Il est le « témoin fidèle » (Ap1, 5). Il passe en faisant le bien. La vie du Christ, son message ont passionné des hommes, des femmes ici en Gironde depuis des siècles. Prêtres et diacres, nous venons de faire un parcours historique en passant à Saint- Seurin, Notre-Dame, Sainte-Eulalie. Tout nous parle de l’amour de nos aînés pour cette terre de Gironde, pour ses habitants depuis les notables de l’empire romain finissant aux ouvriers et aux petits ramoneurs du 19ème siècle, des intellectuels aux enfants et aux jeunes à éduquer.  Oui, nos aînés dans la foi ont aimé, ils ont servi hier et aussi aujourd’hui. Nous fêtons ce soir nos frères prêtres et diacres jubilaires. Ils sont les disciples du « témoin fidèle » qui a tout donné. Aux jubilaires à qui j’exprime ma gratitude, j’ajoute nos trois frères prêtres qui fêtent leurs cent ans. Ils témoignent de leur joie d’avoir vécu cette mission de prêtre pendant tant d’années ! Alors, à la suite de nos aînés dans la foi, Église de Bordeaux, retourne à la source de ta mission et écoute encore le programme du Christ ! Il est magnifique ! Porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, libérer ceux qui sont prisonniers par la peur, le péché, la maladie. Tous, laïcs, prêtres, évêques, diacres, consacrés, éducateurs, familles, unis au Christ, habités par Lui, nous voulons aimer et servir cette terre de Gironde. L’aimer et la servir. Et ainsi nous évitons les dérives et les abus qui abîment les plus fragiles, car la seule façon d’exercer l’autorité dans nos missions, c’est de servir humblement. Unis au Christ et à sa suite, nous voulons continuer à nous faire proches des habitants. C’est la joie de nos missions ecclésiales. En relisant l’histoire de notre Gironde et de l’Aquitaine, nous apprécions ce que Dieu lui a donné, la richesse de sa culture, son équilibre, ses atouts aujourd’hui : voilà les pierres d’attente de l’Évangile, les « semences du Verbe » qu’il nous faut faire fructifier. L’évangélisation commence là : non pas par quelques mots cathos plaqués à des inconnus, mais par le respect amoureux des gens qui nous entourent, de cette personne de mon quartier, qui découvrira peut-être l’amitié du Christ à travers l’amitié réelle que j’essaie de lui offrir.

    Oh bien sûr, le Christ ne se fait pas que des amis ! Hier, nous méditions sa Passion. Le Christ Jésus agonise seul sur la croix. Et on peut se demander : Où est-il l’aveugle qu’il a guéri et libéré ? Et les foules qu’il a nourries ? Où sont-ils ses amis les plus proches ? Simon-Pierre qui se croyait solide et sûr de lui ? Tous gagnés par la peur ! Et sans doute, si nous nous étions trouvés là-bas ce jour-là, nous n’aurions pas fait mieux ! Plus personne ! Sinon sa mère, quelques femmes, et le disciple bien aimé. Sinon surtout Dieu silencieux mais présent, aimant à qui Jésus fait confiance jusqu’au bout, que Dieu ressuscite et qui, le jour de Pentecôte, envoie son Esprit. C’est cela aussi la messe chrismale : nous ne sommes pas là pour nous glorifier ! Nous sommes là parce que nous sommes fragiles, pécheurs, mais désireux d’être renouvelés par l’Esprit de Pentecôte. L’Esprit du Seigneur est sur toi, Église de Bordeaux, il t’a consacrée par l’onction !  Accueille le don des huiles saintes ! Et dans les rouages de notre monde complexe et violent, introduis les huiles saintes, en y étant présent par tes engagements fraternels, au service de la paix dans la justice. Dans la vie de notre Église, introduis les huiles saintes qui favorisent les liens bienveillants entre nous et font avancer l’Église synodale, en veillant à ne pas opposer les diverses vocations ecclésiales entre elles, mais nous réjouissant de la vocation des autres : c’est le meilleur moyen de bien comprendre la beauté de la nôtre. Dans vos épreuves, frères et sœurs malades, accueillez l’huile de force. Et vous, catéchumènes, confirmands, futurs prêtres, pour vous, vos missions, l’huile parfumée !

    Dans la joie de cette messe chrismale, avec beaucoup de gratitude pour vous tous, j’entends la parole du Seigneur à son Église : « Je conclurai avec vous une alliance éternelle (Is 61, 8). Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28, 20). Alors, Église de Bordeaux, n’aie pas peur et garde confiance. Amen. 

Mgr Jean-Paul JAMES
Lundi 11 avril 2022
Cathédrale Saint-André