"L'avenir de l'humanité, c'est ce que nous fêtons avec l'Assomption de la Vierge Marie"

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Homélie de Mgr Jean-Marie Le Vert, évêque auxiliaire de Bordeaux, prononcée le 15 août 2021, au cours de la messe célébrée sur la jetée Thiers à Arcachon pour la fête de l'Assomption de la Vierge Marie.

Frères et Sœurs, depuis des siècles en bien des lieux du monde, les chrétiens se réunissent pour célébrer la Vierge Marie. En France, cet hommage rendu à Notre-Dame est particulièrement populaire et fervent pour la fête de l’Assomption qui a vu des générations de nos ancêtres confier notre pays, l’avenir des leurs et de leurs descendants, et leur propre sécurité personnelle, que ce soit sur terre ou sur mer, à l’intercession de la Vierge glorieuse. Il est donc bon de nous arrêter quelques instants sur cette ferveur populaire telle que nous la vivons aujourd’hui en cette ville d’Arcachon et telle qu’elle est vécue en tant d’autres hauts lieux spirituels de notre pays.

Quelle force et quel appel ont poussé tant de chrétiens à prendre les chemins des grands pèlerinages et à faire procession pour les fêtes de la Vierge Marie ? Quelle espérance les a jetés sur les routes de nos sanctuaires et sur les places de nos villes et nos villages ? Quelle désir nous a conduits aujourd’hui à Arcachon pour ses fêtes de la mer ? Pour éclairer notre démarche de ce jour, nous devons méditer ce que les Écritures nous ont apporté à son sujet.

La vision du Livre de l’Apocalypse dont nous venons d’entendre la lecture nous donne un début de réponse. La femme couronnée d’étoiles est désignée comme celle qui enfante le Messie, « l’enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations ». La tradition chrétienne a identifié en cette femme la Vierge Marie, mère du Sauveur. Dans le drame qui se joue entre la femme qui enfante et le dragon, symbole de Satan et de l’esprit du mal, c’est le salut de l’humanité et la victoire de Dieu qui « enlève l’enfant auprès de son trône » qui sont figurés. Cette vision est donc une prophétie de la victoire de la foi sur les forces du mal. Et le message qui accompagne l’apparition de cette Femme mystérieuse est un message d’espérance et de force donné à l’humanité : « Voici maintenant le salut, la puissance et la royauté de notre Dieu et le pouvoir de son Christ ! ». L’avenir des hommes n’est pas voué à la fatalité et aux forces du mal. Il y a une espérance de vie et de bonheur.

Au long des siècles écoulés, du moins dans notre pays et dans l’Europe occidentale, l’ingéniosité humaine et les capacités de développement économique ont permis de surmonter un certain nombre de fléaux dont l’humanité était affligée. Que ce soit dans le domaine de la nutrition, dans le domaine des soins, dans le domaine de la culture et même dans le domaine du gouvernement des sociétés et de la paix, il y a eu et il y a encore des progrès sensibles et réels. Mais cette incontestable progression rend d’autant plus troublant le fait que, malgré l’amélioration des conditions de vie, l’insatisfaction demeure et même, d’une certaine façon, s’accroît. Comment pouvons-nous interpréter cette concomitance d’un réel « mieux-vivre » et du « malaise de vivre » qui s’exprime par exemple dans tant de contestations ? N’est-elle pas le signe que les formes de salut dont nous bénéficions sont peut-être authentiques et appréciables, mais qu’elles se limitent trop à cette terre et laissent de côté la question fondamentale du sens de la vie et de la plénitude du bonheur ? N’est-ce pas le signe que l’on a trop souvent et trop facilement confondu les conditions de vie avec le sens de la vie ?

Ce que nous enseigne la vision de l’Apocalypse et la fête de l’Assomption, c’est que l’enjeu de la vie humaine n’est pas simplement la nourriture, la paix, la sécurité, la santé et le bien-être, mais que l’enjeu, c’est la vie elle-même et sa confrontation à la maladie et à la mort. Aujourd’hui, de la plupart des maladies, on peut guérir, ou du moins soulager la souffrance. Mais de la mort on ne guérit pas : c’est notre chemin à tous, c’est notre commune épreuve. La victoire du Christ sur la mort est le seul salut qui nous intéresse vraiment, car c’est le seul qui affronte l’épreuve irrémédiable. Et le chemin pour participer à cette victoire du Christ sur la mort, il n’y en a qu’un : c’est la foi au Ressuscité. Et grâce à l’Assomption de Marie, nous voyons que nous pouvons participer à cette victoire. Nous découvrons que nous sommes faits pour être avec Dieu, corps et âme, que ce qu’il nous promet dépasse toutes nos espérances et tous nos désirs. Nous découvrons que le sens définitif de notre existence est en lui, et que si nous nous limitons à l’horizon de cette terre, nous serons forcément déçus et perpétuellement insatisfaits.

Frères et sœurs, vous qui êtes venus nombreux célébrer l’Assomption de Notre-Dame à Arcachon, rendez grâce à Dieu pour la foi qui vous a conduits ici. Même si vous la sentez faible, vacillante ou incertaine, appuyez-vous sur elle pour confier à Dieu, par l’intercession de Notre-Dame, les joies qui vous habitent et les misères qui vous affligent, qu’elles soient physiques, psychologiques, morales, et par-dessus tout spirituelles. Regardez Marie. Avec Elisabeth, nous aussi nous pouvons dire : « Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? … Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ». Et avec Marie, nous pouvons nous exclamer : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! ».

Mais cette joie de la foi que nous devons savourer n’est pas la simple exaltation d’un moment exceptionnel, d’une fête populaire et traditionnelle. Elle doit aussi nous aider à mettre en place une nouvelle manière de vivre. En effet, à quoi bon éprouver la question cruciale du sens de la vie si cette expérience ne se concrétise pas dans une décision pour organiser notre vie en fonction de ce sens, pour l’orienter sur les chemins où le Christ veut entraîner ses disciples ? Alors, frères et sœurs, il nous faut nous interroger sur la manière dont notre foi au Christ peut transformer notre vie, la rendre plus belle, plus joyeuse et plus fructueuse, comment elle peut être sans cesse réorientée selon l’amour, l’amour de Dieu et l’amour de nos frères. D’où cette question fondamentale : comment être chrétien aujourd’hui en France en 2021 ? Permettez-moi de vous suggérer quelques pistes pour éclairer votre réponse à cette question.

Dans notre vie personnelle, qu’est-ce qui compte le plus ? Pour quels objectifs sommes-nous réellement prêts à des sacrifices ou à des combats ? Comment situer l’argent, la sécurité financière et les droits sociaux par rapport aux impératifs du service, de la fraternité et du partage ? Comment s’exprime notre foi et notre espérance chrétiennes, et comment en témoignons-nous autour de nous ? Quelle est la place de la prière personnelle, de la participation à l’Eucharistie dominicale et à la vie de notre Église ? Qu’est-ce que le fait de croire change concrètement à notre existence, à notre regard sur la vie sociale, politique ou économique de notre société ? Comment notre foi nous aide dans notre discernement et notre réflexion sur les informations dont nous abreuvent les médias, informations qui sont si souvent tronquées ou orientées en vue de l’audimat ou des idéologies ?

Si je vous propose ces quelques questions, ce n’est pas pour assombrir notre fête, bien au contraire. C’est pour élargir l’horizon de nos esprits et de nos cœurs aux dimensions sans mesure de l’amour de Dieu. L’avenir de l’humanité ne se réduit ni aux Jeux Olympiques, ni au Tour de France, ni à l’éradication de l’épidémie de Covid-19, ni à l’exposition complaisante des déchirements entre les êtres humains. L’avenir de l’humanité, c’est ce que nous fêtons avec l’Assomption de la Vierge Marie ; l’avenir de l’humanité, c’est la vie en Dieu. Laissons donc l’amour de Dieu dilater nos cœurs aux vraies dimensions de l’humanité. L'Assomption de la Vierge n’est pas juste un symbole, que nous comprenons plus ou moins. Elle est le signe de ce qui nous attend. Si nous accordons tant de louanges et tant d'importance à la Vierge Marie, ce n’est pas au titre d'une dévotion particulière, ou par une habitude plus ou moins forte. C’est parce qu'elle est réellement la créature humaine la plus parfaite, le chef d'œuvre de la création ; non pas par son propre mérite, mais par volonté de Dieu. Elle est, au suprême niveau, ce que nous espérons être un jour. Qu’elle nous apprenne à prendre le même chemin qu’elle, elle qui est déjà entrée dans la plénitude de l'union avec Dieu. Qu’elle nous aide à devenir nous aussi des saints ! Amen.

+ Jean-Marie Le Vert

Évêque auxiliaire de Bordeaux

La messe de l'Assomption a été suivie par la bénédiction des bateaux depuis l'embarcadère de la jetée Thiers d'Arachon.

Assomption - 15 août 2021

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