« De nouvelles modalités de présence auprès des patients, des familles et des soignants ont été expérimentées »

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En première ligne face à cette crise sanitaire inédite, le monde de la santé a aussi été un lieu de présence pastorale forte pour l’église et les chrétiens engagés auprès des malades, des personnes handicapées, en aumôneries hospitalières... Relecture de l’année par le P. Jacques Faucher, médecin et délégué diocésain au monde de la santé.

L’année 2020 a été marquée par une crise sanitaire majeure. Cette pandémie de Covid-19 a mis davantage sous les projecteurs à la fois les forces et les fragilités des acteurs de la santé (soignants, accompagnants, services hospitaliers mais aussi communication scientifique, questions éthiques…). Quels éléments de cette crise vous ont le plus marqué au cours de l’année ? 


P. Jacques Faucher : L’épidémie de COVID-19 a mis en lumière de véritables questions révélatrices des limites de nos représentations du savoir et de la vie, de la gouvernance de notre système de santé et de notre société, de notre positionnement ecclésial.

Cette épidémie a rappelé le fondement éthique de ce que soigner veut dire. Alors que, depuis des décennies, les professionnels manifestent pour se plaindre de leurs conditions de travail et des insuffisances du système de santé, ils ont su se mobiliser de façon exceptionnelle et exemplaire, non pas tant par héroïsme (merci quand même pour les chants et les applaudissements de 20h), mais par « l’honnêteté » de « faire son métier »1. Quand il n’y a pas de traitement curatif, soigner n’est plus guérir mais traiter les complications et surtout accompagner en situation d’incertitude. En période d’épidémie, soigner peut aussi signifier se mettre en danger soi-même : « soigner est un altruisme »2.


Comment la Pastorale de la Santé et ses différentes composantes en Gironde ont traversé cette crise sanitaire et les deux confinements du printemps et de l’automne ? 

Lors du premier confinement, les responsables institutionnels ont privilégié la vie nue au détriment de la vie relationnelle. On a demandé aux psychologues et aux assistantes sociales de rester dehors, avant de leur permettre de revenir. Les aumôniers dans les hôpitaux et les EHPAD ont pu finalement visiter les malades après une période d’hésitation des services hospitaliers. La Pastorale des personnes handicapées a su mettre en place des propositions hebdomadaires pour rejoindre plus de 200 personnes isolées, en famille ou en établissements. Des initiatives ont été possibles pour vivre autrement les sacrements avec parfois la médiation des soignants. De nouvelles modalités de présence auprès des patients, des familles et des soignants ont été expérimentées : présence réelle non pas virtuelle mais médiatisée par les prolongements électroniques de nos corps et de nos sens…

En plus du souci d’accompagner les impatiences et les initiatives des acteurs de la pastorale de la santé et de la paroisse Saint-Augustin, j’ai participé à la cellule de soutien éthique d’un établissement de la métropole (3 réunions de 2h par semaine), autre manière d’être impliqué en situation de crise.

La santé ce n’est donc pas que la bioéthique… et la bioéthique ce n’est pas que l’embryon ou l’euthanasie. Il est temps, pour tous les acteurs de l’Église, d’élargir notre champ de vision pour prendre positivement en compte les dimensions économiques et politiques, les capacités et les incertitudes de la recherche, la compétence et l’engagement des professionnels, la complexité de plus en plus grande des situations pour les usagers comme pour les soignants. Pour cela, il faut nous former et diversifier nos sources d’information !

Quelles leçons tirez-vous à ce jour de cette crise et quels défis vous semblent à relever en priorité ?

Servir la santé globale nous invite à sortir du diktat de l’économie et du management3 pour ressentir le souffle des professionnels de la santé et du social, reconnaître l’importance des acteurs des services publics et de la culture, mettre les plus vulnérables au centre des préoccupations (salaires, logements, conditions de vie, reconnaissance de chacun, etc.)4 au nom de la solidarité, de la fraternité, de l’incarnation. Les malades même confinés n’étaient pas seuls : ils étaient entourés de beaucoup d’humains. La terrible souffrance de ceux qui n’ont pas pu se dire adieu nous incite à dire dès à présent « Merci et Au revoir » à ceux qu’on aime, au cas où on ne se reverrait pas, ce qui rend très heureux de se revoir…

Permettez-moi de relayer les réflexions de Mario Grech, nouveau cardinal secrétaire du Synode : « Ces médecins et infirmières qui ont risqué leur vie pour rester proches des malades n’ont-ils pas transformé les salles d’hôpital en d’autres « cathédrales » ? Le service aux autres dans leur travail quotidien, en proie aux exigences de l’urgence sanitaire, était pour les chrétiens un moyen efficace d’exprimer leur foi, de refléter une Église présente dans le monde d’aujourd’hui, et non plus une « Église de la sacristie », retirée des rues, ou contente de projeter la sacristie dans la rue. […] La meilleure façon de faire l’expérience de l’amour chrétien est le ministère du service. »5

Nous avons tous à nous convertir par le dialogue fraternel avec nos contemporains, et mettre quelque peu en suspend nos projets de maîtrise pastorale ou personnelle pour rencontrer l’autre, notre proche, comme il est et non pas comme nous voudrions qu’il soit : « quand t’avons-nous vu affamé ou assoiffé ou étranger ou nu ou faible ou en garde à vue… ? » (Mt 25, 44).

Au large les suaires de la peur et de la tristesse, la paix nous est donnée, la joie nous est promise !

Et vaccinons-nous les uns pour les autres !

1. Albert Camus, La peste, Paris, Gallimard, 1947, p. 180.

2. Régis Aubry, « Quels enjeux de nature éthique l’épidémie de COVID 19 a-t-elle soulevés ? », Ethique et Santé, vol. 17 n° 3, septembre 2020, p. 155-159.

3. Heureuse critique de l’économisme et pari d’une société faisant le choix de la pleine santé et de l’écologie globale : Eloi Laurent, Et si la santé guidait le monde ? L’espérance de vie vaut mieux que la croissance, Les liens qui libèrent, 2020

4 Par une centaine de textes de 4 à 5 pages, voici une bonne approche interdisciplinaire au moment où nous en sommes : Emmanuel Hirsch (dir.), Pandémie 2020. Ethique, société, politique, Paris, Cerf, 2020.

5. Pour lire l’intégralité de l’entretien avec Mgr Mario Grech :
bordeaux.catholique.fr/mgr-mario-grech-nov2020

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