L’école : un lieu où la guerre n’a pas de prise
Au mois de février dernier, la jeune Sacha, 12 ans, dont le papa est militaire à Odessa, est arrivée en France avec sa mère et sa petite sœur. Aidée d’une association, cette famille a été logée à la maison de retraite des petites sœurs des pauvres et elle est venue frapper à la porte de notre collège. C’est ainsi que Sacha et a intégré une classe de cinquième. L’enjeu de cette scolarisation provisoire était de permettre à Sacha de s’intégrer du mieux possible et de rester en contact avec les enfants de son âge. Sensibles à sa situation, ses camarades de classe ont eu à cœur de l’accueillir au mieux en créant des affiches « Bienvenue » dans toutes les langues. Avec quelques connaissances en Anglais, chacun a fait de son mieux pour entrer en relation avec elle et faire en sorte qu’elle trouve sa place. Néanmoins, la communication s’est rapidement avérée limitée.
Quinze jours plus tard, Ksenia, du même âge que Sacha, a rejoint l’établissement. Ses parents et grands-parents, restés en Ukraine, ont fait le choix de la mettre en sécurité en l’envoyant chez sa sœur ainée vivant sur Bordeaux. Les deux jeunes filles se sont immédiatement rapprochées et ont créé des liens dans leurs langues natales : l’ukrainien et le russe que personne, en dehors d’elles, ne parle à Saint-Seurin. Malgré la bonne volonté de tous, l’interaction avec les membres de l’équipe pédagogique est restée compliquée, la langue faisant barrière. Si l’intégration sociale était une belle réussite, nous ne pouvions malheureusement pas en dire autant des acquisitions scolaires de Sacha et Ksenia.
C’est alors qu’une famille russe, refusant de cautionner les actes de son pays, est venue s’installer sur Bordeaux et a sollicité une place pour sa fille dans l’établissement. Eduquée en double cursus français-russe depuis sa naissance, la jeune Ana s’est très vite posée comme le trait d’union entre les deux ukrainiennes et le reste de la communauté : elle s’est naturellement mise au service de tous pour traduire, expliquer, relier au sens fort du terme, offrant ainsi à ses deux camarades des chances nouvelles. C’est avec une immense patience et un dévouement sans faille qu’elle s’acquitte de sa mission.
Ainsi, loin des combats d’adultes, notre petit trio porte avec force l’amitié séculaire entre les peuples russes et ukrainiens et nous rappelle à la solidarité universelle.
Nadine Guilhaumaud
Chef d’établissement, Ecole et Collège Saint-Seurin