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Édito de décembre « Depuis 800 ans, la crèche… »

Publié le 12 décembre 2023
Tableau de la nativité

Retrouvez l’édito de Mgr James pour le mois de décembre 2023.

« Je veux évoquer le souvenir de l’Enfant qui naquit à Bethléem… Je veux le voir de mes yeux de chair, tel qu’il était, couché dans une mangeoire et dormant sur le foin, entre un bœuf et un âne »[1]. Il y a juste 800 ans, devant une crèche vivante à Greccio, Saint François d’Assise en diacre, chante l’Évangile. Il a passé toute la veillée devant cette crèche, « brisé de compassion et rempli d’une indicible joie »[2]. Pendant l’avent, je propose de parcourir le chemin de Saint François vers Noël. Son parcours peut être le nôtre. Il nous conduit au Prince de la paix, pour être artisans de paix, et connaître la paix intérieure.

Ces derniers temps, nous sommes sidérés devant des actes barbares, des conflits meurtriers qui n’en finissent pas, des attentats à l’arme blanche. Époque violente comme celle de François d’Assise. Cela n’empêche pas les affaires, le commerce comme à l’époque de François. On y valorise le succès, ceux qui gagnent, et puis il y a les autres à qui on jette quelques pièces de monnaie. Jeune, François nourrit de grandes ambitions. Il aime paraître, briller, dominer. Il a le tempérament d’un battant. La guerre ne lui fait pas peur. Il participe aux combats contre la ville voisine. Or, sur la longue route vers la crèche, premier arrêt voulu par le Seigneur : « lorsque j’étais dans les péchés, il me semblait extrêmement amer de voir des lépreux. Et le Seigneur lui-même me conduisit parmi eux et je leur fis miséricorde. Et, au retour, ce qui m’avait semblé si amer était changé pour moi en douceur de l’âme et du corps ». C’est une vraie rencontre, pas pour briller, pas pour la gloire. Rencontre de tant d’entre nous avec des personnes fragiles, enfants en difficultés ou parents âgés par exemple, voisins isolés, ou personnes à la rue. Et ces rencontres nous humanisent et nous préparent à fêter Noël. « Je leur fis miséricorde », c’est-à-dire ? Lui François est remué jusqu’aux entrailles. Les lépreux sont des humains comme lui ; il leur apporte des soins. Il se fait proche, il devient leur prochain. Etape décisive pour François. Il la mentionne dans son Testament. Cette rencontre des lépreux lui fait faire des pas de géant vers Noël. François y découvre la pédagogie divine : dans le Nouveau-Né de la crèche, Dieu s’approche, se fait proche de lui François ; Dieu se fait proche de nous tous, pécheurs, souvent habités par la violence ou l’indifférence : c’est Jésus, prince de la paix, « doux et humble de cœur », couché dans une mangeoire, avant d’être couché sur la croix.

Après la rencontre des lépreux et celle du Christ crucifié aux yeux ouverts sur le monde, à saint Damien, le tempérament combatif de François est désormais tout entier consacré à convaincre, à attirer des frères, à annoncer l’Évangile de la paix : « il commençait chacun de ses sermons par un souhait de paix, avant de transmettre à l’assistance la parole de Dieu. Il disait : que le Seigneur vous donne la paix »[3]. En effet, la paix est don de Dieu. Et la paix de Dieu, c’est une nouvelle relation qu’Il propose à l’humanité : une réconciliation avec Lui, entre nous, avec le cosmos tout entier. Nos crèches décrivent si bien cette humanité réconciliée et pacifiée : tous les santons convergent vers le Nouveau-Né, ils s’approchent de l’Enfant-Dieu. Le faisant, ils se découvrent frères et sœurs les uns des autres. Saint François pèlerin vers la crèche, contemplatif du Mystère de Noël, est le frère universel, un artisan de paix. Cela ne veut pas dire que pendant la vie de François, les conflits aient miraculeusement cessé, ou les misères, ou les querelles de voisinages. Non ! Mais les gestes de François font réfléchir, étonnent, éclairent la conscience de ses contemporains. On rapporte qu’il va visiter le sultan, annonce du dialogue interreligieux que nous poursuivons. Dans sa région de l’Ombrie, il ne prêche pas comme les autres. Il met ses auditeurs face à leurs relations humaines quotidiennes. Il incite à la paix, à la réconciliation entre familles, entre voisins. Il a le souci du droit de chacun. La paix qu’il promeut, n’est pas une sorte de repli frileux pour se protéger des affrontements ; la paix qu’il recherche l’engage, et va jusqu’à compromettre sa propre paix personnelle. Artisans de paix à notre tour, en route vers Noël, nous mettons nos pas dans ceux de François. Artisans de paix, nous cherchons à résoudre les conflits de voisinage, par le dialogue, et pas par la force ou l’agression verbale ! Dans le dialogue autour de la table familiale, sachant nos différences d’opinions, de sensibilités, nous commençons les échanges avec ce qui rassemble ; le dialogue avec l’autre sait l’estimer, l’aider, le servir. C’est le défi de ne pas mettre à la première place ce qui génère la violence. « Lorsque mes frères vont par le monde, écrit François en 1223, année de la première crèche, je leur conseille, je les avertis et je leur recommande en Notre Seigneur Jésus-Christ, d’éviter les chicanes et les contestations, de ne point juger les autres ; mais qu’ils soient aimables, pacifiques, modestes, doux et humbles, parlant honnêtement à tous, comme il convient… Et, en quelque maison qu’ils entrent, qu’ils disent d’abord : Paix à cette maison ».

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus de problèmes ! Saint François en fait l’expérience. Peu de temps avant Noël 1223, François, lui-même, est mis en difficultés par ses propres frères. Lui qui est habité par l’Évangile, en est troublé, profondément troublé. Il est tenté par la tristesse, le repli, l’isolement. C’est une tentation dans nos familles, nos paroisses quand nos projets ne sont pas compris. Il y a aussi une autre tentation, celle de nous détacher des personnes que nous jugeons médiocres pour former avec un petit reste, une famille, une communauté de gens parfaits. En méditant, François reçoit une lumière de son Seigneur : « Je t’ai choisi exprès, homme simple, pour qu’il soit manifeste aux yeux de tous que ce que j’accomplis par toi ne relève pas de ton habileté mais de ma grâce »[4]. Là encore, Mystère de Noël, don du Dieu miséricordieux : Il vient au milieu de nous pécheurs, gratuitement ; avec la Vierge Marie, Il accepte la compagnie des bergers et des mages. Il est le « Prince de la paix », cette Paix intérieure que nous retrouvons quand nous renonçons à rêver de gens parfaits, quand nous cherchons à lutter ensemble contre notre péché, et à vivre « de la patience de Dieu, de son inépuisable pardon et de sa grâce toujours nouvelle »[5]

Alors, chers amis, à la suite de saint François, nous sommes pressés de venir à la crèche, d’y entraîner nos familles et nos amis. C’est une joyeuse nouvelle pour tous : « Un enfant nous est né. Son nom est proclamé : prince de la paix » (Is 9, 5).

Bon Noël !

[1] Thomas de Celano, Vie de Saint François, 1, 84
[2] Ibid, 1, 85
[3] Ibid, 1, 23
[4] Cf E. Leclerc, François d’Assise, le retour à l’Evangile, DDB, 1981, citation de Thomas de Celano, p.171
[5] Ibid, p. 175

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